Une scène courante dans un bureau comme tant d’autres dans une entreprise. Il s’agit de mettre en œuvre un nouveau projet technique. Chacun discute sur la manière d’opérer.
Jean, qui a son idée et sa manière de faire et n’en voit pas d’autre, s’interpose avec vigueur : « De toute façon, j’ai raison ! Il faut faire comme j’ai dit ».
En face, Matthieu répond avec beaucoup de lassitude : « Ne te fatigue pas, ça ne sert à rien d’essayer. Tout le monde s’en fiche, comme d’habitude et de toute façon, ça ne peut pas marcher ».
Edouard regarde tranquillement puis, d’une voix calme, prend la parole : « Moi, je vous propose de commencer par la phase 1 qui vient d’être décrite mais en y conviant les équipes de Pierre et de Lucie. Tout le monde aura la possibilité de participer et d’ajouter des compétences complémentaires et vous verrez, tout va se faire rapidement ensuite ».
Chacun regarde Edouard. Ça parait évident dit comme ça. Pourquoi personne n’y a songé ?
Cette réunion n’est pas un remake du Bon, de la Brute et du Truand ! C’est plutôt la confrontation du Dictateur, du Looser et du Sage. Observons–les d’un peu plus près.
L’énergie perdue du Dictateur
Le Dictateur, comme tout le monde, a des qualités. Très tenace et doté d’une grande résistance, il prend beaucoup sur soi pour ne montrer aucun signe de faiblesse, toujours faire face, maîtriser toutes les situations et se montrer constamment à la hauteur.
Son mental de vainqueur présente des atouts. Par exemple, pour prendre des décisions, même désagréables ou faire preuve d’autorité. L’exigence qu’il a avec lui, il l’a avec les autres. Parfait quand il les pousse à prendre leurs responsabilités mais plus problématique quand il les force à s’aligner sur son point de vue. Car son talon d’Achille réside dans sa rigidité de pensée et son intolérance.
Pour lui, tout se joue en termes de pouvoir ; il veut et il a même besoin d’avoir du pouvoir sur les autres et une grande partie de son énergie est dépensée à vouloir avoir raison et à rabaisser quiconque ne partage son avis.
Cette énergie ainsi utilisée, c’est du gaspillage ! Si elle était utilisée pour créer de la coopération, pour fédérer les gens autour d’un même projet, ce serait formidable car il y a là une sacrée réserve de puissance. Mais non, il a besoin de s’affirmer en dominant.
Certains le sont au sein de leur entourage familial, d’autres avec des partenaires qu’ils transforment en exécutants serviles dans leur service, à la tête d’un groupe ou même avec les 3 employés de leur TPE.
On obéit au Dictateur parce que l’on a peur, non pas parce que l’on trouve ses idées géniales. C’est le management par la terreur qui donne ses résultats…pour un temps qui ne dure guère. Très souvent, des erreurs graves, commises par ses subordonnés ou par lui-même, sabordent ses entreprises. Car il en commet lui-même ! Ayant toujours raison contre les autres, il n’arrive pas à écouter un avis un tant soit peu différent. Mais bien évidemment, comme il ne peut pas avoir tort, ce sont obligatoirement et toujours les autres qui sont responsables de l’échec. A ne pas savoir se remettre en cause, il fait en sorte que le système tyrannique s’entretienne tout seul et se renforce de lui-même.
Le Looser qui abandonne après avoir essayé
Le Looser est quant à lui doté d’un puissant esprit d’analyse. Et ça, c’est utile, on ne peut le nier. Mais son travers est de fonctionner en mode « J’aime/J’aime pas ». Quand il aime, c’est-à-dire quand il croit à un projet, surtout si c’est lui qui l’a initié et que tout le monde admire sa créativité et ses capacités, alors il peut avoir un effet très entrainant dans une équipe.
Mais quand il n’aime pas, alors là, c’est un autre débat ! Son esprit d’analyse devient borgne : il ne voit plus que les difficultés, les dangers, les incohérences, les manques et rapidement, l’impossibilité ou l’inutilité de faire.
Il se transforme alors en adepte de la dévalorisation de lui-même et plus souvent encore, pour garder la « tête haute », des autres qui sont nécessairement trop ceci et pas assez cela.
En version « soft », il est agaçant car il râle (très) souvent et devient démoralisant. En version plus « hard », il peut empêcher un projet de naitre en le coupant à sa racine. Dans ces conditions, un verre n’est jamais pour lui à moitié plein. Même si on lui fait observer que le niveau n’a pas changé, il s’évertuera à le montrer à moitié vide pour démontrer qu’aussitôt, il sera complètement vide. Et il préconise l’abandon, là, maintenant, préférable et plus sécurisant pour lui que le fait d’essayer.
En tant que participant à un projet, il peut être un poids mort considérable en détruisant tous les enthousiasmes ; ses arguments sont pertinents mais ne voient qu’un seul aspect des choses. Et seulement cet aspect là.
S’il est manager, il réalise quand même des projets mais le prix en est élevé car il met ses collaborateurs sous une pression très forte et peut avoir tendance à rechercher le conflit. Là aussi, fédérer une équipe lui est une tâche ardue, presque une quête du Graal ! Et le système de coopération ressemble davantage avec lui à un concept qu’à une réalité envisageable et constructive.
Le Sage dans la voie du juste milieu
Le Sage n’est pas un être désincarné qui survole son entreprise depuis Sirius ! Il est d’abord celui qui a fait sienne la citation de Jean Bodin, grand penseur de la Renaissance : « Il n’est de richesses que d’hommes ». Il est guidé par une intention : ce qui doit être fait est-il bon et juste, réalisable et pertinent, bénéfique et épanouissant ? Par pour lui seulement mais aussi et dans la même proportion pour son entreprise et les gens qui y œuvrent.
Il écoute les avis des autres pour affiner son idée et faire en sorte qu’elle soit ensuite validée, admise, partagée et acceptée par ceux qui vont, avec lui la mettre en œuvre. Le vrai sage n’est-il pas à la fois celui qui connait ses limites et celui qui sait apprendre de tout le monde ?
En gros, il enlève un à un tous les freins pour qu’ensuite, ça roule correctement et même de mieux en mieux. Car c’est aussi un homme d’action : l’intention définie, elle est mise en action. Il faut du concret avec des étapes qui permettent de mesurer ce qui est accompli et de valider que la route suivie est la bonne.
Il utilise la distinction intéressante qu’avait opérée le coach François Delivré entre deux types de pouvoirs : le « pouvoir sur » et le « pouvoir pour ». Nous sommes dotés de diverses capacités. Elles peuvent être physiques, intellectuelles, financières, juridiques, etc. Quand nous sommes dans le « pouvoir sur », nous utilisons ces capacités pour exiger des autres qu’ils satisfassent nos propres besoins. Les besoins de l’autre sont alors ignorés, bafoués ou combattus. C’est là l’expression d’un rapport de force qui se vit en domination ou soumission.
En revanche, quand nous sommes dans le « pouvoir pour », nous utilisons alors les mêmes capacités pour satisfaire au mieux les besoins d’autrui à qui on demande en retour d’utiliser ses propres capacités dans le même esprit et nous avons là l’expression d’un échange qui amène la coopération.
De l’idée à la réalisation
Alors, Dictateur, Looser ou Sage ? Nous voyons bien qu’il y a à la base une énergie qui est la même en terme de quantité. Mais nous voyons aussi qu’il existe des manières extrêmement différentes de l’utiliser, qui produisent à leur tour des résultats absolument non comparables.
Quand nous dirigeons une entreprise, quand nous manageons une équipe, quand nous voulons développer une affaire, prenons d’abord le temps de bien déterminer au-delà du discours que nous tenons, quelle est notre intention : avoir raison contre les autres et satisfaire une part de notre égo ou bien assurer pleinement un développement intelligent et créer de la valeur ? Cette réflexion joue aussi pour un solo-entrepreneur ; ses partenaires ne sont plus alors ses employés mais tous ceux qui gravitent autour de lui : ses conseils, ses fournisseurs et bien sûr, ses clients.
En guise de conclusion, une parole à méditer de Peter Drucker, surnommé « le Pape du Management » et qui est à se rappeler avant toute décision : « Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui ne doit pas du tout être fait ».
Ce que j’aimerais que vous fassiez maintenant
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ahhhh cet ego ne cesse de me bousiller la vie !!!
merci Jean pour cet article, j’ai honte de le dire mais je suis du genre looser, je cherche pas forcement a avoir raison sur les autres, mais des que je sent que les autres veulent bloquer mes idées alors je fait la meme chose sur les leurs ; et c’est bete : pour l’avenir de l’idée, sagesse est de rigueur !!
Encore merci ! keeep study
WoW!!!!!!!!!!! Sera très utile pour plusieurs 🙂 Merci!!
Merci Jean-Guy. Excellent. Avant, j’étais un un peu comme Matthieu, mais depuis que je fais du développement personnel, je deviens plus sage et efficace comme Edouard. Il y a encore du chemin à faire ! Car finalement c’est une question d’ego !!
Oui Pierre ! Ah ce sacré ego !!