Au pays de Descartes, nous nous croyons rationnel : nos pensées obéissent à la logique de la raison raisonnante et nous raisonnons de manière juste et en fonction du bon sens. « Le bon sens, tout le monde en a besoin, peu l’ont, et chacun croit l’avoir » nous disait Benjamin Franklin.
Et cependant, nous fonctionnons avec ce que l’on appelle les biais cognitifs, schémas de raisonnement spécifiques, pas toujours conscients, qui biaisent notre pensée. Nous croyons penser droit et en fait, notre pensée est une série de zig-zag.
Comment pensons-nous ?
Nous sommes créatifs. C’est ce que nous croyons. C’est vrai. Parfois et parfois seulement car, selon le sociologue Pierre Bourdieu, plus de 90% de ce que nous faisons n’a rien de créatif ni de novateur puisque composé de routines, habitudes, rites et autres clichés ou gestes accomplis des milliers de fois.
Voilà qui semble dérangeant. Mais notre cerveau est incroyablement complexe. Constamment, alors que nous supposons prendre une décision raisonnable et logique, nous avons en fait réagit à plein de stimuli qui nous ont influencé. Ce qui est terrible (ou rassurant !), c’est que nous ne nous apercevons même pas !
Nous avons en fait deux modes de fonctionnement cérébraux différents, voire opposés. Un système réfléchi, lent, contrôleur et requérant un effort mental et un système émotionnel, rapide, intuitif et quasi automatique (et il prend souvent le dessus).
Finalement, nous croyons que nous pensons d’une certaine manière et ce n’est pas vrai ! Car, pratiquement tout le temps, nous sommes sous l’emprise de nombreux biais cognitifs.
Ce sont deux psychologues, Daniel Kahneman et Amos Tversky, qui les ont mis en exergue au début des années 1970 pour expliquer pourquoi certaines de nos décisions sont irrationnelles. En effet, quand nous nous ne parvenons pas à analyser quelque chose de manière rationnelle, nous utilisons alors un raccourci afin de pouvoir porter un jugement rapide. Depuis lors, la psychologie cognitive et sociale s’est emparée de l’idée et a dressé tout un catalogue de ces biais cognitifs. Il en existe beaucoup.
Intéressons nous aujourd’hui à quelques uns de ceux que l’on appelle les biais de raisonnement. Nous en retiendrons quatre car ils sont assez habituels.
Le biais de confirmation
Ce biais désigne une tendance, assez naturelle et du coup très fréquente, à rechercher et à donner une prédilection aux informations ou aux hypothèses qui confirment nos croyances et nos idées sans prendre en considération leur véracité. Réciproquement, on prend peu en considération les informations ou hypothèses qui les contredisent, voire on les ignore ou discrédite.
Par exemple, quand on se remémore quelque chose, on ne prend en compte que certains éléments. On les trie de manière sélective pour en donner une certaine interprétation. En quelque sorte, on crée la réalité qui nous convient. Pratique mais pas très « juste » !
Autre exemple : sur un sujet controversé (et Dieu sait si la société nous en offre régulièrement !), nous allons chercher des sources, avis et opinions qui confirment notre position actuelle et dénigrer ou considérer comme très peu fiables ce qui y est opposées. Nous « biaisons » dès lors le traitement de l’information, ce pourquoi on parle également de « biais de confirmation d’hypothèse ».
Certaines personnes créent ainsi ce que l’on appelle l’illusion de corrélation : elles établissent une fausse causalité ou une fausse association entre deux ou plusieurs événements ou situations. Les preuves retenues, pour infirmer ou confirmer, subissent elles aussi la même sélection. Il peut arriver que ce processus se fasse par paresse : mieux vaut une fausse vérité (car c’est réconfortant) que pas de vérité du tout (c’est angoissant) ou une enquête sérieuse et neutre pour trouver la « vraie » vérité (c’est fatiguant).
Le problème, on le voit, c’est que ce biais peut maintenir ou renforcer une croyance donnée, même si on y oppose des preuves contraires. Imaginons alors les conséquences de décisions prises sous cet angle dans des domaines comme ceux de la politique, de l’organisation d’une entreprise ou d’une stratégie commerciale ou militaire….
Biais de disponibilité
Ce mode de raisonnement spécifique a pour particularité de se fonder uniquement (ou essentiellement) sur les informations immédiatement disponibles. On ne cherche pas à en connaitre d’autres et on limite sa connaissance d’un sujet à ce que l’on a « sous la main ». Cela peut concerner un concept, une personne, une situation, un évènement quelconque et, à partir de ce que l’on a appris, on en tire une croyance ou un jugement.
Il peut également arriver qu’avec ce biais, on porte un jugement à partir d’exemples nous venant tout de suite à l’esprit ; ce sont ceux immédiatement disponibles. Nous les prenons alors comme preuves pour étayer une croyance.
Par exemple, quand on a fréquemment rencontré une situation donnée, elle nous est nécessairement plus disponible et sa représentation mentale est plus facile et plus rapide. Cela peut conduire à un autre biais, celui de la perception sélective : ce qui est observé est interprété de manière sélective selon nos intérêts, notre situation sociale, notre expérience.
C’est aussi le cas quand une même information, provenant de diverses sources, est répétée plusieurs fois. On finit par la prendre pour vraie, sans prendre le temps de la vérifier vraiment, et on invoque le redoutable proverbe « il n’y a pas de fumée sans feu ». C’est comme ça qu’une rumeur peut commencer à se répandre.
Biais de représentativité
Avec ce biais, nous jugeons à partir de quelques éléments seulement mais que l’on considère comme représentatifs d’un ensemble plus général. Plutôt que d’opérer une analyse statistique, on se contente de quelques stéréotypes : à partir de cas particuliers ou d’un petit nombre d’exemples, on généralise pour créer un jugement « vrai ». On se représente donc une universalité grâce à des particularités qui en plus, ne sont pas toujours (ou pas suffisamment) représentatives.
C’est aussi par ce biais, par exemple, qu’en regardant une photo de classe où un élève parait sage et appliqué avec de grosses lunettes que l’on aura tendance à le croire premier tandis que celui qui apparait au dernier rang, hilare et les cheveux en bataille sera, dans notre représentation, moins bien classé !
Cela signifie que l’on évalue une réalité en fonction du degré selon lequel un élément donné est (ou parait être) représentatif d’un ensemble global, c’est à dire en fait selon un degré de ressemblance. Par exemple, un garagiste, fort de son expérience, peut interpréter un dysfonctionnement donné à partir d’une pièce cassée ou usée sans vérifier si cette même pièce n’entraine pas un autre dysfonctionnement mais qu’il n’aurait pas encore rencontré. Nous aurions tout aussi bien pu prendre comme exemple un juge ou un médecin : un élément isolé détermine un comportement ou un symptôme connu sans rechercher s’il ne détermine pas aussi un autre comportement ou une autre pathologie.
L’effet rebond
C’est bien connu : demandez à une personne de supprimer volontairement une pensée donnée ; celle-ci revient avec une force étonnante. C’est ça l’effet rebond. Il existe un effet paradoxal dans la suppression de la pensée puisque, plus on veut ne pas penser à quelque chose et plus on y pense. Vouloir donc supprimer une pensée ne sert pas à grand-chose et est même contre-productif plus qu’elle resurgit plus souvent.
C’est pourtant ce que nous tachons de faire quand par exemple, nous sommes en proie à une pensée pénible ou désagréable. Si on veut la chasser sciemment, elle reviendra selon une fréquence qui, dans certains cas, la transforme en obsession. C’est un peu l’application au domaine cognitif du proverbe « Chassez le naturel, il revient au galop » !
Mieux vaut opérer alors une stratégie de diversion consistant à diriger son attention vers autre chose ou à pratiquer une activité différente : au lieu de vouloir sciemment détruire une pensée, on la remplace par une autre. Cela marche plutôt bien à condition toutefois que l’émotion associée à la pensée à « supprimer » ne soit pas trop forte sinon, elle se rappellera rapidement à notre bon souvenir ! Il est évident que si vous venez de perdre un proche ou si vous avez été licencié, une activité nouvelle et différente permettra de ne plus songer à la perte subie mais pour un très court temps seulement. La pensée initiale rebondira avec force.
La diversion ou substitution marche bien lorsque l’émotion est seulement désagréable et ponctuelle et non pas perturbante ou bouleversante. Choisissez alors une activité correspondant à des pensées auxquelles sont associées des émotions de forte intensité, de joie évidemment !
Comment penser juste ?
En découvrant ces quatre biais (et sachez qu’il en existe plein d’autres sur lesquels nous reviendrons ultérieurement), vous pouvez songer que tout ce que vous bâtissez habituellement de manière rationnelle est en réalité comme téléguidé inconsciemment.
Précisons toutefois que l’on ne parle de biais que lorsque c’est une tendance habituelle. Si vous avez une fois (ou quelques fois) interprété sélectivement une information par exemple, vous avez seulement commis une erreur d’interprétation vous amenant à une conclusion erronée et cela nous arrive à tous. Si c’est votre habitude d’interpréter selon ce schéma, alors on peut parler de biais, celui dit « biais de confirmation » étant le plus répandu.
C’est donc là qu’il faut s’interroger, lorsque l’on vous reproche d’avoir des conclusions hâtives, de ne voir qu’un seul aspect des choses, de trop généraliser, etc. Si ces reproches vous sont adressés régulièrement et si vos décisions ne sont pas toujours opportunes ou même vous entraine dans des difficultés, consultez donc votre coach.
Ensemble, un diagnostic sera rapidement fait pour déterminer quelles croyances vous posent problèmes et pour que vous réalisiez comment elles apparaissent « à l’insu de votre plein gré » ! Une fois que vous en avez pris conscience, il suffit de modifier quelques paramètres pour que vous puissiez à nouveau penser juste et droit !
c’est vrai j’essai d’avoir des pensées positive mais la vie des fois me joue des tours
Philippe, justement vous pouvez vous dire que la vie vous joue de « sacrés jolis » tours.