» Il faut savoir exploiter ses avantages pour pouvoir les transformer en forces agissantes
Ceux qui, dès leur naissance, se trouvent comblés des dons de la fortune, n’en sont que les esclaves, s’ils ne savent point exploiter ces avantages, pour les transformer en forces agissantes. L’assurance d’une vie toute fleurie de plaisirs, en abolissant pour eux la nécessité du travail, les prive du désir d’exploiter leurs énergies.
Rares sont ceux qui, au sein des mollesses d’une existence facile, sentent le besoin de mettre en valeur les dons que la nature leur a départis.
Rares aussi, ceux qui s’efforcent de dédier à un but supérieur, cette fortune qu’ils n’ont point eu la peine d’acquérir.
Plus rares encore, ceux qui cherchent à l’accroître, dans le dessein très noble de devenir des forces sociales, dont la puissance soit en mesure de corroborer leur désir de domination bienfaisante.
La quiétude matérielle est, pour certains d’entre eux, un don funeste.
Elle les laisse ignorants de ce bel orgueil que connaît seul celui qui a su se découvrir et s’exploiter, dans le sens à la fois pratique et élevé du mot.
Ils dédaignent, pour la plupart, le désir des fertilisations intellectuelles.
Ils proclament la vanité de l’effort. Ils se complaisent dans des joies sans noblesse, dont la source se tarit rapidement et ils demeurent assoiffés et éternellement nostalgiques.
Combien d’entre eux aux heures de sincérité fugitive qu’amène la satiété, se surprennent à envier le lutteur, dont l’ambition auréole la vie !
Quant aux héritiers d’un nom illustre, leur prétendu privilège constitue souvent un lourd fardeau.
Quelques-uns le portent avec une évidente fatigue.
D’autres restent écrasés sous son poids.
On compte ceux dont la renommée ne s’est point trouvée étouffée par la gloire de leurs ascendants.
Il en est de même de ceux qui, par leur naissance se voient placés au premier rang de la société. “Noblesse oblige”, dit le proverbe.
Une rénovation est indispensable pour échapper à la prolongation d’une exploitation
Or, dans les situations dites “privilégiées”, que nous venons de mentionner, il arrive fréquemment que ceux qui les subissent, sans avoir rien fait pour les mériter, en soient les premières victimes.
En admettant même qu’ils ne songent point à élargir le champ des ambitions paternelles, ils auront la tâche de les maintenir.
Ceci les conduira à une série d’efforts qui, pour certains d’entre eux, seront d’autant plus pénibles, qu’il ne leur appartient pas d’en déterminer la nature.
Les initiatives leur sont très souvent interdites.
Elles sont toujours limitées à un même ordre d’idées.
Il ne s’agit plus, dans la plupart des cas, de l’exploitation de soi-même, mais de la prolongation d’une exploitation, qui fut envisagée par d’autres, à des époques différentes, dans un état d’esprit qui, si parfait qu’il fût alors, ne peut plus être que médiocre, puisqu’il échappe à l’ambiance contemporaine.
Pour ceux-là, comme pour les autres, une rénovation est donc indispensable.
S’ils s’y dérobaient, ils deviendraient des proies toujours convoitées par l’autocratie des tendances.
Une mutation d’idées, de sentiments, de moyens, s’imposera donc à ceux qui sont désireux de maintenir haut et ferme l’étendard dont les ascendants leur ont confié la garde.
Ils devront se pénétrer de cette maxime :
“Qui ne progresse pas, régresse”.
Il est nécessaire de savoir maintenir une bataille contre le présent et le passé
Ils auront donc, ces prétendus privilégiés, qui se refusent à rester enlisés moralement, une double lutte à soutenir :
La première contre le présent.
Elle sera ce qu’elle est pour tous, un peu moins âpre, peut-être, en ce sens qu’elle sera dépourvue des inquiétudes concernant les matérialités de la vie.
Mais combien plus dure sera l’autre.
La première voit, considère, étreint et peut terrasser des ennemis visibles.
La seconde est une bataille qui se livre contre des spectres.
Nous voulons parler de la lutte contre le passé.
Devant chacun de ces hommes se dressera la foule des morts, qu’il faut qu’on tue.
Et quand il s’imaginera les avoir définitivement massacrés, il les verra renaître sous forme de fantômes obstinés.
Nous voulons parler des exigences périmées et des tyranniques coutumes.
Leur masse constitue une véritable autocratie, sous les attaques de laquelle les âmes fragiles succomberont.
Soit qu’elles abandonnent très vite les velléités de résistance qu’elles méditaient ;
Soit qu’elles ne trouvent pas en elles la force qui leur permettrait de se mesurer avec les agressions constantes des choses hostiles aux nouveaux projets ;
Soit que la renaissance entêtée des mêmes ennemis déconcerte leur frêle pouvoir d’opposition, on les voit se replier peureusement et reprendre les méthodes anciennes, qui furent peut-être autrefois d’ingénieuses initiatives mais, dans le temps présent ne sont plus que des rites désuets.
On voit alors les fils des hommes célèbres cesser de lutter contre le fantôme glorieux de leur père, dont l’immense linceul couvre d’ombre toutes leurs tentatives.
On voit les héritiers de grands biens renoncer à rompre des lances avec ceux qui, fiers des procédés qui leur ont valu leur richesse, refusent, en les modifiant, d’opérer la transmutation de leurs forces déclinantes.
Et tous souffrent de l’autocratie des tendances, esclaves au cou desquels le carcan des idées vieillies laisse son empreinte douloureuse et indélébile.
Celui qui n’étant pas “privilégié” peut revendiquer la propriété de ses actes
Néanmoins, ils ne sont pas exempts d’un autre souci :
L’anarchie des tendances le guette à tous les angles de la vie, car, débarrassés de l’impérieuse obligation de penser à l’avenir, il leur est d’autant plus difficile d’étouffer les sollicitations de leurs penchants.
On ne doit cependant pas s’y méprendre :
Nous ne voulons pas insinuer que les dons octroyés par la naissance soient méprisables.
Mais il est nécessaire d’en distinguer les mérites et les charges.
S’ils comportent un avantage qui n’est pas échu à tous, ils impliquent l’observance de devoirs spéciaux, qui ne sont pas toujours ceux vers lesquels on se sent attiré.
À ces élus si enviés, une magnifique attribution est souvent refusée :
Celle de devenir les économistes volontairement éclairés des forces qu’ils détiennent.
À de très rares exceptions près, ils doivent subir l’autocratie des tendances ancestrales et la lutte contre l’anarchie ne leur est point épargnée.
Aussi, en voit-on fréquemment considérer avec envie celui qui n’étant pas “privilégié”, peut, libéré de tout asservissement héréditaire, revendiquer la propriété de ses actes.
Potentialité et possibilité
C’est cette leçon du vieux maître qui a certainement inspiré à Yoritomo les pages qu’il écrivit sur la culture de la multiplicité dans l’unité du moyen.
Ce qu’il nomme ainsi est la méthode que l’on choisit pour atteindre un but.
C’est aussi le pouvoir d’effectuer un acte.
C’est encore l’intervention que l’on sollicite.
On prend encore ce mot dans le sens de “faculté”.
Avoir le moyen d’effectuer un acte, c’est détenir la faculté de le produire.
Le moyen, c’est aussi la possibilité.
C’est quelquefois la potentialité.
Il est cependant indispensable de ne point confondre ces 2 définitions.
On peut être détenteur d’une potentialité sans rencontrer la possibilité de la mettre en œuvre.
Par contre, on peut posséder la possibilité, sans porter en soi la potentialité, qui permet de l’exploiter.
La potentialité, c’est le pouvoir conditionnel d’effectuer un acte.
On porte la potentialité en soi.
Les habiles savent la discerner ; les autres ne soulèvent jamais le voile sous lequel elle se dérobe.
Il en est qui la découvrent trop tard, alors que, faute d’être mise en valeur, elle s’est atrophiée au point de ne jamais réussir à atteindre son développement initial.
La potentialité doit se trouver en contact direct avec la possibilité
D’autres, par nonchalance ou manque de décision, la laissent dormir à jamais.
Quelques-uns l’ignorent totalement et l’ignoreront toujours.
Ce sont ceux-là dont parle Yoritomo à ses disciples lorsqu’il leur reproche de ne point savoir découvrir leurs possibilités dans le miroir idéal de leur conscience.
“Combien de gens, dit-il, ne s’aperçoivent que trop tard des potentialités qui leur étaient dévolues.”
“Un hasard trop tardif leur a seulement révélé ce qu’ils auraient pu être, en les éclairant sur ce dont ils étaient capables”.
Il est pourtant essentiel d’ajouter que, pour s’exercer, la potentialité doit se trouver en contact direct avec la possibilité.
C’est là l’excuse qu’invoquent tant de médiocrités.
Leur regret, s’il se formule dans des termes différents, renferme toujours une plainte unique :
“Il ne m’a pas été donné de rencontrer l’occasion favorable”.
“L’occasion ne s’est jamais offerte à moi”.
“En vain j’ai cherché à mettre en lumière les potentialités que je savais exister en moi !”
Cet article est un extrait du livre de Yoritomo Tashi — “ Exploitez Pleinement Vos Potentiels ”
Téléchargez gratuitement le livre ici